Interview du magazine Platine n° 79

Sébastien Chato

De Que Bonita Eres à La Classe

Alors fatigué ?

Moi, je ne suis jamais fatigué et, pourtant j'ai toujours une activité débordante. Je crois que c'est parce que j'aime ce métier.

Dans Roméo et Juliette, vous chanter notamment Avoir une fille, une chanson qui a un potentiel de single?

Ca me fait plaisir quand on dit ça, seulement ce n'est pas moi qui décide quels sont les singles à venir.

Cette chanson vous permet des faire passer des émotions. Ce n'est pas vraiment votre image. Vous avez plutôt celle d'un chanteur qui fait danser sur des rythmes latinos?

J'ai fait pas mal de spectacle seul, même à l'étranger, jusqu'en Espagne, au Liban ou au Canada... et j'ai toujours eu des ovations du public, notamment quand je chantais des balades à moi ou mêmes des reprises. Donc, j'ai déjà donné de l'émotions, même si là, ce n'est pas pareil : C'est une comédie musicale, on est toute une troupe et l'émotion provient d'une énergie collective.

Avoir une fille risque donc bien de devenir le Petit papa Noël de la fête des pères?

On me dit souvent que c'est un peu la suite des divorcés de Michel Delpech...

Quel est votre moment préféré dans le spectacle?

Je chante quatre chansons, mais mon passage préféré reste La vengeance (Quel est le prix), le quatuor avec Lady Montaigu, Le Prince et Roméo (Ndlr : la chanson n'est que sur l'intégrale studio). Non pas pour les raisons que vous croyez, mais parce que tout les soirs, la scène est tellement tragique - il y a 2 cadavres devant nous - que j'ai envie de rire dès que j'entends Isabelle Ferron me dire " Où t'étais?". Là, je ne peux pas la regarder car je sens aussi le fou rire monter en elle.

Entre votre solo et vos chansons en groupe (Ndlr : Notamment le duo avec Parîs La demande en mariage et le quatuor avec Lady Capulet, Juliette et La Nurse Demain également uniquement dans l'intégrale), où va votre préférence?

C'est plus difficile de chanter une chanson seule, car quand on est à 2, 3 ou 4, on s'aide. Quand je suis fatigué, les autres le sentent et donnent plus. Quand ils sont fatigués, c'est à moi qui vais à fond, j'avoine un peu plus pour masquer le coup. Tous les soirs, les chansons de groupe sont un moment de communion entre nous, car la troupe est très soudée.

Vous avez contribué à souder cette équipe car, avec Réjane Perry, vous avez été un peu coaches?

C'est vrai que l'an dernier, comme la petite était en pleines études à Cannes, Réjane descendait souvent pour la faire travailler. Quand je dis "La petite" je veux parler de Cécilia, et c'est pareil quand je dis "le petit" c'est Damien (rires). Bref, quand Réjane était à Cannes, je faisais répéter le reste de la troupe à sa place, j'ai fait le maximum pour les aider, pour trouver les notes qu'ils ne trouvaient pas...

Cette troupe vous rappelle l'ambiance de La classe à laquelle vous participez sur France 3?

Tout à fait. Je crois que j'aime beaucoup la vie en groupe; je ne suis pas un solitaire. Pendant les années - de février 1987 à 1991 - où j'ai fait La Classe, je me suis construit "une famille". Ce sont les plus belles années de ma vie. J'étais tous les jours devant les caméras avec eux : ça soude. De plus, grâce à cette émission, j'étais très demandé en gala et je bossais beaucoup avec Patrick Sébastien prêtant ma voix pour ses imitations de Mike Brant, Julio Iglésias... Quand j'ai arrêté La Classe, autant vous dire que j'ai été vraiment malheureux, quasiment en dépression. Le côté "famille" est revenu avec l'équipe de Roméo et Juliette.

C'est pour oublier La Classe et son image ringarde que vous vous êtes coupé les cheveux et avez repris votre prénom?

Non, je n'ai plus les cheveux longs depuis longtemps. C'est vrai, qu'au début, Gérard Louvin avait peur de l'image que j'avais, notamment à cause de La Classe, alors que Presgu ne savait même pas ce que c'était (rires)! C'est Louvin qui a insister pour qu'on m'appelle Sébastien et non plus El Chato... Mais moi, je ne crache pas sur La Classe, car elle ma permis de me faire connaître, même si, dans ce métier, on ne m'a jamais bien compris. Les seuls qui m'ont accepté et m'ont donné ma chance, c'est Gérard Louvin, Daniel Moyne et Gérard Presgurvic : je ne l'oublierais jamais.

Comment avez-vous été recruté?

Je rentrais d'une série de gala en Guadeloupe et j'étais au studio de mon frère en attendant un avion qui - le soir - devait me conduire à Marseille où j'avais promis à mes parents d'aller les voir. C'est à ce moment-là que 2 potes à moi passent au studio et me disent qu'ils vont faire une audition pour une comédie musicale sans savoir vraiment où se trouve l'adresse indiquée. Comme moi je savais où c'était, que j'avais ma voiture et rien à faire, je décide de les accompagner. Arrivé sur place, j'ai fait la connaissance d'Alain Griffard, qui s'occupait de coordonner la troupe, et qui m'a reconnu. C'est lui qui ma annoncé qu'il cherchait toujours le père de Juliette et m'as proposé de passer le casting. Comme je n'avais rien préparé, j'ai chanter à capella une chanson de mon répertoire qui s'appelle Imagine. Je n'y croyais pas du tout. Alain et Gérard Presgurvic m'ont écouté et, à la fin, ce dernier m'a dit : On te rappelle. Quinze jours après, Gérard a effectivement rappelé pour me dire pour me dire que ça les intéressait. Je suis allé donc chanter Avoir une fille Porte de la chapelle devant Louvin, et là, ils m'ont dit : "tu as le rôle". Mais je sais que Presgurvic s'est battu pour m'imposer car je n'étais pas le seul père retenu.

Et vos 2 amis?

Ils n'ont pas été pris, mais ils étaient super heureux pour moi.

Est-ce que vous avez déjà vu le spectacle de la salle? Avez-vous une doublure?

J'ai une doublure, mais pour l'instant, elle ne m'a pas servi. Je crois d'ailleurs que personne ne s'est fait remplacer par sa doublure, sauf une fois Mercutio (Ndlr : Alias Philippe D'Avilla) qui s'est fait doubler parce qu'il était vraiment malade. D'ailleurs Nuno, qui le remplace et remplace aussi Tybalt (alias Tom Ross), a été formidable. Cécilia a été aussi remplacée une fois par la petite Frédérique de Béziers (Ndlr : Frédérique Sorel) et ça a été top de chez top. Pour en revenir au spectacle, je ne le vois que des coulisses dans les moments où je ne suis pas sur scène. Je sens mon entrée arriver. Je vois aussi le public comme en hypnose, ça me fascine et ça me donne la force d'y aller à fond. Comme je ne connais pas le trac, c'est positif.

Allez-vous faire la tournée?

Bien sûr! Moi, je vais jusqu'au bout.

De quand date votre dernier gala en solo?

Des 1 ers festa'rs de Bastia où nous étions ensemble en juillet. Je l'ai fait pour faire plaisir à mon ami Bernard Mosca de NRJ Bastia.

Je devais même descendre en Corse avec plusieurs personne de la troupe, mais au dernier moments, cela n'a pas été possible. Je me suis donc retrouvé tout seul là-bas, cependant je ne le regrette pas. J'ai souhaité son anniversaire à Gérard Presgurvic par téléphone alors que j'étais sur scène et que toute la place chantait avec moi... C'était magique.

Y a-t-il une chanson du spectacle que vous garderez dans vos galas futurs?

Avoir une fille mais aussi une chanson de Damien : C'est fini, je m'en vais, je voulais savoir la vie... Je l'ai retravaillé un peu en gipsy, j'ai fait écouter ma version à la guitare à Gérard Presgurvic un soir dans ma loge, et elle grave de chez grave.

Vous avez une guitare dans la loge?

Oui, tous les soirs, je joue une heure à la flamenco pour me chauffer la voix. C'est rare que je descende chauffer ma voix avec les autres...

Dans le futur, vous préférerez réécouter la version studio de Roméo et Juliette ou la version live qui n'est pas encore sortie?

Live, sans aucun doute. D'autant plus que j'ai enregistré Avoir une fille en studio, je l'ai faite en trois prises et tout le monde était content. Depuis, et surtout à partir du moment où on a commencé la mise en scène, j'ai découvert que je pouvais aller plus loin. En répétition, Rédha a commencé par me prendre à part et m'a fait recommencer Avoir une fille dix fois et, au bout des dix fois, il m'a dit : "Là, tu es dans le personnage". Ce mec m'a beaucoup apporté et, d'ailleurs, je pense à lui tous les soirs quand j'attaque la chanson. En plus, tous les soirs face au public, je trouve un truc. La chanson a pris une ampleur que je ne soupçonnais pas. Hier soir, je l'ai tellement envoyée fort que le public a crié à la fin. Je suis resté con.

Combien d'albums avez-vous enregistré dans votre carrière solo ?

Trois : Je l'aime, Imagine et Que bonitas eres qui est sorti en 1978 et qui se vend toujours (Ndlr : Il y a aussi Viens m'embrasser chez Mars Prod. / Polygram Dist. En 1996 avec des reprises).

Qui en a écrit les titres ?

J'ai composé les musiques et Michel Jourdan en a écrit les textes. J'adore Michel et je pense que je retravaillerai avec lui parce que c'est un Monsieur qui a une très bonne plume. De Mike Brant à Hélène Ségara, il a su évoluer, s'adapter aux artistes et aux époques. Je veux également travailler avec Gérard, car, grâce à Roméo et Juliette, j'ai découvert Presgu et je trouve que ce mec, il a un talent monstrueux. Qu'il m'écrire des textes seuls, des paroles sur mes musiques ou qu'il écrive les textes avec les musiques et que je me contente d'interpréter, peu importe, je suis d'accord pour tout !

A quand le prochain album solo?

Je ne sais pas, je prépare, j'ai beaucoup de chanson en stock : 20 à 22, mais j'ai un problème car souvent je fais écouter ce que je fais à d'autres artistes et ils me piquent mes titres pour les mettre à leur répertoire (rires)! Quoi qu'il en soit mon prochain album sera latin lover.

Dans votre carrière de plus de 20 ans, vous avez beaucoup placé de chansons ?

Quelques unes il y a pas mal d'années, comme Ca pleure aussi un homme pour Ginette Reno avec Michel Jourdan. En ce moment, ça revient. Beaucoup de gens m'ont pris des titres. J'attends maintenant qu'ils les sortent.

Avec votre frère, vous avez également un studio d'enregistrement?

Oui. Mon frère, Sandro Abaldonato est très doué. Il a fait les remix pour Dalida, et, dernièrement l'arrangement de Elle, tu l'aime sur l'album d'Hélène Ségara qui en est à plus d'un million d'exemplaires. Egalement l'album d'Adamo qui sort ce mois-ci. Sandro est plus l'ingénieur du son et l'arrangeur du studio, en un mot l'artistique, et moi je suis plus le commercial.

Vous avez le temps de vous en occuper?

En ce moment pas vraiment, c'est pourquoi Sandro m'appelle tous les jours. Je sais qu'il est malheureux et comme ce n'est pas mon jumeau mais mon petit frère, je culpabilise de le laisser. Bientôt, je vais le retrouver car on a pal mal de produits à faire pour l'été...

Est-ce qu'une comédie musicale permet d'avoir une vie privée?

Oui, car ma femme et mes filles sont à Paris avec moi. Il n'y a que le reste de la famille, mes parents, qui sont à Marseille. Ils viennent donc me voir plus que moi je descends leur rendre visite. J'ai hâte d'ailleurs d'aller jouer Roméo et Juliette à Marseille devant un public qui me connaît bien. A y penser, j'ai le gonfle (Ndlr : je suis aux larmes en marseillais).

Et le foot?

Aïe, aïe, aïe... Je fais comme Francis Huster quand il est au théâtre. Je regarde désormais les matches dans ma loge - entre 2 passages sur scène et surtout à l'entracte - et je m'énerve tout seul. De plus, l'OM - où j'ai mon neveu qui joue- est malade, et ça, "ça me fait caguer..." ! (expression marseillaise intraduisible)

Propos recueillis le 9 février 2001